Repenser son organisation®

Fiche N°3

L’intelligence collective

Une organisation est, par nature, complexe (fiche N°2). Une des caractéristiques de la complexité est notre incapacité à l’appréhender de manière exhaustive et complète. Il manque toujours une ou plusieurs pièces au puzzle. Chacun a une perception partielle d’un objet ou d’une situation complexe et différente en fonction de sa position d’observation. Un directeur commercial, un DRH et un directeur financier ne perçoivent pas de la même manière l’organisation de l’entreprise à laquelle ils contribuent tous.

1+1=3

Dans la mesure où personne n’est capable d’appréhender une organisation de manière exhaustive, l’intelligence collective est particulièrement utile pour la diagnostiquer et la repenser. La perception de chaque membre d’une équipe de direction est partielle mais complémentaire à celle de son voisin. Ces perceptions se complètent et, ensemble, forment un tout auquel aucun des membres de l’équipe, y compris le directeur général, ne peut accéder seul. Il y là tout l’esprit de ce beau proverbe africain : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. »

L’intelligence collective nécessite que chacun (1) ait conscience de sa propre perception, (2) renonce à considérer sa perception comme unique et définitive et (3) réalise que sa perception et celle des autres peuvent être différentes et complémentaires.

Les 3 conditions de l’intelligence collective

L’autonomie, la proximité relationnelle et la compétence sont les trois conditions principales de l’intelligence collective.

L’autonomie est la capacité d’être soi-même tout en étant dans la relation aux autres. La psychologie du développement distingue couramment quatre niveaux d’autonomie : (1) la dépendance associée au petit enfant qui dépend complétement de ses parents ; (2) la contre-dépendance qui caractérise l’adolescent qui se construit dans l’opposition à ses parents ; (3) l’indépendance qui définit l’état du jeune adulte pensant qu’il n’a plus besoin des autres et qu’il n’a plus de comptes à rendre à personne (on dit souvent qu’il ne faut pas confondre autonomie et indépendance) ; (4) enfin, l’interdépendance, l’adulte accompli qui est lui-même tout en étant capable d’interagir avec les autres. L’intelligence collective nécessite de mettre les membres d’un groupe en situation et en état d’interdépendance.

La proximité relationnelle est la deuxième condition à réunir. L’intelligence collective nécessite du lien et du liant social. Les membres du groupe ont besoin de se sentir en sécurité de manière à pouvoir s’exprimer librement en se sachant écoutés avec bienveillance et sans jugement. L’appartenance au groupe doit également leur donner la possibilité de satisfaire des besoins sociaux qu’ils ne pourraient satisfaire autrement. Par un mécanisme dit d’introjection, leur appartenance au groupe doit pouvoir devenir une partie de leur identité personnelle. C’est la raison pour laquelle, lors d’un atelier d’intelligence collective, les étapes d’inclusion et de déclusion décrites ci-après sont si importantes.

La compétence, enfin ! Plus les compétences des membres du groupe sont différentes, plus le groupe a de chances d’être intelligent collectivement. La diversité des compétences est un facteur de richesse pour l’intelligence collective. Mais c’est également une difficulté potentielle : on se met plus facilement d’accord avec un clone qu’avec quelqu’un qui est à l’opposé de ce que l’on est. C’est la raison pour laquelle l’intelligence collective nécessite des règles et un processus dont l’animateur est le garant. Les membres du groupe doivent également avoir le sentiment que leurs compétences sont mobilisées et ont une utilité pour le collectif. Si ce n’est pas le cas, ils adoptent une position de retrait et de désengagement. Ils sont absents tout en étant présents. L’intelligence collective doit permettre aux membres du groupe de mobiliser leurs compétences et, par là-même, de participer à une œuvre collective. Mais elle doit également leur offrir l’opportunité de les développer.

Ressources, personnes et acteurs

Dans un processus d’intelligence collective, chaque membre de l’équipe est une ressource pour le groupe, en particulier à travers les compétences qu’il mobilise et qu’il met à disposition du collectif.

Mais c’est également une personne. Il est donc important qu’il soit considéré comme telle. Il convient de ne pas s’arrêter à ce qu’il fait ou ne fait pas mais également de prendre en considération ce qu’il est. Il doit sentir que ses propos, ses propositions… sont écoutés et appréciés, sans être jugés, au regard de sa professionnalité mais également de la personne qu’il est avec toutes ses aspérités.

Enfin, ne soyons pas dupes. Dans une démarche d’intelligence collective, et en particulier appliquée aux organisations où il est inévitablement, à un moment ou à un autre, questions de pouvoir, chaque membre du groupe est aussi un acteur. Il joue un rôle le plus souvent en poursuivant des intérêts personnels. Cela est inévitable et n’est pas véritablement un problème tant que la poursuite des intérêts individuels ne nuit pas à l’œuvre collective. Quand c’est le cas, c’est le rôle de l’animateur de réguler le groupe de manière à en minimiser les impacts.

Les 3 temps d’un atelier

Un atelier d’intelligence collective se décompose en trois temps : l’inclusion, la production et la déclusion.

Le temps d’inclusion est un moment d’échauffement de l’intelligence collective où l’objectif est, avant tout, de créer un lien entre les membres du groupe avant de commencer à travailler à proprement parler. Les participants doivent pouvoir échanger sur l’atelier, ses objectifs et son déroulement, mais également sur ce avec quoi ils y arrivent : l’état émotionnel dans lequel ils se trouvent, leur état d’esprit…

Le temps de production est le cœur de l’atelier. C’est à ce moment-là que les membres du groupe vont travailler ensemble à produire quelque chose qu’aucun d’eux ne pourrait réaliser seul. Ce temps est lui-même composé de trois moments décrits dans le paragraphe suivant.

Enfin, le temps de déclusion est un moment de clôture et de séparation. Il s’agit de faire le bilan de ce que l’on a produit ensemble mais également de la manière dont on a travaillé en mode intelligence collective et d’en tirer des enseignements pour le futur.

Divergence, émergence et convergence

La production en intelligence collective, le deuxième temps de tout atelier, résulte d’un processus composé de trois moments : la divergence, l’émergence et la convergence.

Le premier moment est celui de la divergence. Chaque membre du groupe exprime son point de vue en fonction de sa propre perception de l’objet ou de la situation. Plus la diversité est importante au sein du groupe, plus les divergences seront importantes et potentiellement fructueuses.

Le deuxième temps est celui de l’émergence. A l’issue de l’expression des points de vue individuels, l’interaction et les échanges entre les membres du groupe vont faire émerger des voies nouvelles, imaginer des alternatives, ouvrir des pistes ou options parfois surprenantes et inattendues.

Le troisième temps, celui de la convergence, permet d’évaluer les différentes pistes, de les classer, de les prioriser, de décider collectivement lesquelles retenir. Le but est que les membres du groupe convergent dans la même direction pour élaborer les étapes de la réalisation de la ou des options retenues.

Les règles du jeu collectif

L’intelligence collective nécessite un cadre. Le groupe doit se doter de règles du jeu permettant de réguler son mode de fonctionnement.

Il s’agit des règles dont les participants vont avoir besoin pour bien fonctionner en mode intelligence collective. Les règles sont élaborées par les participants eux-mêmes, elles ne leur sont surtout pas imposées de l’extérieur. Une fois élaborées, chaque participant s’engage à les respecter tout au long du travail collectif. En fin d’atelier, une évaluation collective permet un échange autour du respect ou du non-respect des règles et sur la nécessité de les faire ou de ne pas les faire évoluer.