Repenser son organisation®

Fiche N°2

La différence entre compliqué et complexe

Les termes compliqué et complexe sont souvent utilisés de manière indifférenciée. Les distinguer est pourtant déterminant pour comprendre la notion d’organisation et, plus largement, pour saisir l’intérêt de l’intelligence collective pour repenser son organisation. Deux exemples illustrent parfaitement cette distinction : un avion est compliqué alors qu’un plat de spaghettis est, lui, complexe.

Un avion est compliqué

Construire un avion requiert des milliers de pièces et des centaines de compétences différentes. Mais l’ensemble est réductible à l’analyse. Un plan permet de vérifier la conformité de l’avion. Heureusement, cela garantit qu’il vole ! Ce plan et cette conformité permettent de le reproduire à l’identique. Le monde du compliqué est analysable, maîtrisable, prédictible et contrôlable. Il y a un optimum, une solution idéale meilleure que toutes les autres.

Un objet compliqué, voire hyper-compliqué, paraît incompréhensible au premier abord. Mais, avec de la méthode, de l’expertise et du temps, on peut avoir une connaissance complète et une compréhension intégrale de sa composition aussi bien que de son fonctionnement. Par conséquent, on peut le maîtriser entièrement et prédire avec certitude ce qu’il va produire et/ou comment il va se comporter. Dans le monde du compliqué, « tout s’explique », « tout est sous contrôle », « rien n’est laissé au hasard » et « les mêmes causes produisent les mêmes effets ».

Un plat de spaghettis est complexe

Le plat de spaghettis, lui, est complexe. En y plantant sa fourchette, il est très difficile de prévoir combien de pâtes on va attraper et quelle va être la forme de celles qui resteront dans l’assiette (les tâches que l’on fera sur sa chemise sont la seule chose que l’on peut prévoir sans trop se tromper). Par ailleurs, même en s’entraînant des années à effectuer la même rotation du poignet, il y a très peu de chances que l’on obtienne un résultat identique en réalisant plusieurs fois la même opération. Les mêmes causes ne produisent donc pas forcément les mêmes effets.

Le monde du complexe est, par essence même, fait d’incertitudes et de contradictions. Notre représentation des objets et/ou des situations est incomplète et ambigüe. L’action, à savoir nos tentatives de solutions, est faiblement prévisible, non reproductible et contrôlable seulement en partie. Dans la complexité, il y a toujours plusieurs possibles dans la mesure où les problèmes peuvent être posés seulement de manière partielle. Les solutions envisageables ne sont, elles, jamais optimales ; les réalisations et les résultats escomptés seulement faiblement prédictibles.

La complexité ne se laisse jamais appréhender totalement. La représentation et la compréhension d’un objet complexe sont, par nature, inachevées et incomplètes. Contrairement au compliqué dont on peut venir à bout avec du temps, de la méthode et de l’expertise, le complexe garde toujours une part d’inexpliqué, même quand on déploie d’immenses moyens pour le comprendre. Il n’est donc pas complètement contrôlable, une partie au moins nous échappe.

Une organisation est complexe par nature

Une organisation ne se réduit pas à un organigramme (fiche N°1). En plus d’être un système d’autorité formelle, une organisation est aussi un système (1) de flux d’activités régulé, (2) d’information fonctionnel, (3) de communication informelle, (4) de constellation de travaux, (5) de processus de décision, (6) etc.

Une organisation est par nature complexe dans la mesure où les entités qui la composent sont largement entremêlées (le terme complexe vient du latin complexus qui signifie « ce qui est tissé ensemble »). Il est impossible de reconstituer exhaustivement l’ensemble de leurs interactions. On ne peut ainsi en avoir qu’une représentation partielle et incomplète.