Repenser son organisation®
Fiche N°11
La responsabilité de la performance (1ère partie)
Le quatrième des cinq paramètres de conception (fiche N°4) concerne la responsabilité de la performance au sein de l’organisation. Il est composé des deux forces en tension suivantes : responsabilités individuelle et collective. Bien comprendre cette problématique nécessite de clarifier (1) la notion de performance, (2) la relation entre les deux grands types de performance (3) et la différence entre une pyramide hiérarchique et une équipe.
Performance = Efficacité + Efficience
La notion de performance suscite beaucoup de malentendus. C’est pourquoi elle est si difficile à aborder dans certains milieux, celui des associations ou de la fonction publique notamment. Si on accepte de considérer les aspects technologiques, environnementaux, sociaux… de la performance sans réduire la notion à sa seule dimension économique, alors les univers non lucratifs ne sont pas moins concernés que le monde de l’entreprise. En effet, qui est mieux placé que les associations pour produire de la performance sociale et sociétale ? A priori personne ! Mais pour le reconnaître encore faudrait-il que les associations acceptent d’aborder la question de leur performance et arrêtent de considérer, le terme même, comme péjoratif.
La performance est une notion complexe dans la mesure où elle comporte deux facettes à la fois complémentaires et antagonistes. La première, l’efficacité, est centrée sur la production de résultats ; la seconde, l’efficience, concerne la consommation de ressources. Une entité est plus efficace qu’une autre quand, à ressources équivalentes, elle produit de meilleurs résultats. A contrario, une entité est plus efficiente qu’une autre quand, à résultats équivalents, elle a consommé moins de ressources.
On dira d’une entité qu’elle est performante quand, d’une part, ses résultats sont à la hauteur des objectifs fixés et, d’autre part, les ressources qu’elle a consommées pour les atteindre n’excèdent pas celles allouées dans le cadre de son budget. Il est donc périlleux de déconnecter la fixation des objectifs de l’allocation des ressources comme c’est pourtant trop souvent le cas.
Performances individuelle et collective
Une organisation caractérise l’agencement des parties d’un même tout. On parle de performance collective pour qualifier la performance du tout et de performance individuelle pour caractériser la performance de chacune des parties. La relation entre ces deux types de performance peut prendre deux formes très différentes.
Dans la première, la performance collective est égale à la somme des performances individuelles. Dans un service commercial composé de cinq vendeurs, si ces derniers proposent des produits différents à des clients différents sur des territoires différents, il y a de grandes chances que le chiffre d’affaires du service commercial soit égal à la somme des chiffres d’affaires réalisés par chacun des vendeurs. Dans ce cas de figure, le tout ne crée pas de valeur à part entière. C’est seulement un niveau de consolidation de la valeur créée par chacune des parties. Les objectifs étant individualisables, le responsable commercial peut décliner l’ensemble de la performance dont il est redevable sur chacun des vendeurs.
Dans le second cas, la performance collective se distingue de la somme des performances individuelles. « Le tout est plus que la somme des parties » a-t-on coutume de dire. Dans ce cas de figure, l’organisation produit des émergences grâce à des synergies souvent exprimées par l’équation « 1+1=3 ». Deux Business Units développent, produisent et commercialisent des produits différents sur des marchés spécifiques. En les intégrant dans un système organisé, l’entreprise bâtit une offre supplémentaire pour cibler de nouveaux marchés. Les émergences produites dotent la performance collective de qualités et de propriétés différentes de celles de chacune des performances individuelles prises isolément.
On oublie trop souvent que quand la performance collective n’est pas égale à la somme des performances individuelles, la première peut être supérieure à la somme des secondes mais elle peut aussi être inférieure. La notion de paresse sociale décrit le fait que tout individu tend à diminuer les efforts qu’il fournit en groupe, et ce de façon proportionnelle à la taille du groupe. Ce phénomène a été démontré dès la fin du XIXème siècle par Maximilien Ringelmann. Il a mesuré la force de traction d’un ensemble de personnes en demandant à chacune d’elles de tirer sur une corde. Seules d’abord, en groupe ensuite. Il a constaté qu’elles fournissaient moins d’efforts quand elles tiraient en groupe que quand elles étaient seules et que, ce faisant, la traction globale du groupe était toujours inférieure à la somme des tractions individuelles prises isolément.
Pyramide hiérarchique Versus Equipe
C’est au niveau de la responsabilité de la performance que se situe la différence fondamentale entre une pyramide hiérarchique et une équipe. Dans la première, la responsabilité de la performance collective est individuelle. Le manager est responsable de la production de ses collaborateurs. Il est responsable de résultats en grande partie produits par d’autres. C’est d’ailleurs au nom de cette responsabilité que l’institution lui délègue une autorité. Dans la seconde, au contraire, la responsabilité de la performance est collective. Une équipe est un ensemble de personnes mutuellement responsables d’une production obtenue collectivement. Chaque membre du groupe est coresponsable des résultats de l’équipe. La performance n’est plus incarnée par une personne, le manager, mais bien par un collectif : l’équipe.
Le fait que la responsabilité de la performance ne repose pas sur les épaules d’une seule personne favorise la coopération au sein de l’équipe. Tout le monde a intérêt à ce que les résultats soient bons, pas seulement le « chef ». Il n’y a pas d’un côté le manager dans une logique de résultats, et, de l’autre, ses collaborateurs dans une logique de moyens. Quand l’un des membres de l’équipe ne joue pas le jeu, il est en général rappelé à l’ordre par ses coéquipiers, surtout si la performance est sanctionnée par un bonus collectif. Au sein d’une équipe, la régulation s’effectue moins par le père que par les pairs.
Par ailleurs, une équipe possède l’autorité permettant à ses membres de prendre l’ensemble des décisions nécessaires à la réalisation de la production dont ils sont mutuellement responsables. Cela renforce l’autonomie de l’équipe vis-à-vis de la ligne hiérarchique mais également à l’égard des directions fonctionnelles (ressources humaines, contrôle de gestion, qualité…).