Repenser son organisation®
Fiche N°12
La responsabilité de la performance (2de partie)
Les responsabilités individuelle et collective sont les deux forces en tension qui composent le paramètre de conception « Responsabilité de la performance ».
Organisations individuelles et collectives
Les premières font porter la responsabilité de la performance à un individu, les secondes l’affectent à un groupe. Au sein d’une organisation, la responsabilité de la performance peut prendre quatre formes différentes : individuelle, plutôt individuelle, plutôt collective ou collective.
Une organisation est individuelle quand, dans le cadre d’une pyramide hiérarchique, seul le chef est placé dans une logique de résultats, ses collaborateurs étant, eux, dans une logique de moyens. Le chef est au centre de tout. Ses collaborateurs ne font qu’exécuter ses consignes. L’organisation est dite individuelle dans la mesure où la performance ne concerne qu’une seule et unique personne : le chef.
Une organisation plutôt individuelle prend également la forme d’une pyramide hiérarchique. La performance est placée sous la responsabilité d’un seul des membres de l’organisation, en général un manager. Mais, contrairement au cas de l’organisation individuelle, la performance résulte ici pour partie au moins de l’agrégation de résultats individuels obtenus par les collaborateurs du manager. C’est bien le directeur commercial qui devra rendre des comptes sur le chiffre d’affaires de la direction. Il en porte la responsabilité. Néanmoins, ce chiffre d’affaires résulte pour une large partie des chiffres d’affaires réalisés par chacun des vendeurs, eux-mêmes placés dans une logique de résultats. La responsabilité de la performance reste individuelle mais l’ensemble des membres de l’organisation y participent. Pour reprendre les termes de la blague de l’omelette aux lards dans laquelle on a coutume de dire que la poule est concernée là où le cochon est impliqué, dans une organisation plutôt individuelle, le manager est impliqué dans la performance et ses collaborateurs sont concernés.
Décliné à plusieurs niveaux organisationnels, ce principe donne à l’organisation la forme d’une cascade de pyramides hiérarchiques et met tout manager en situation de double appartenance : manager de la pyramide de rang inférieur et managé au sein de la pyramide de rang supérieur. Ce rôle de coordination verticale des managers est le moyen le plus courant de développer la profondeur d’une organisation.
Une organisation est collective quand la responsabilité de la performance est collective. C’est le cas d’une véritable équipe au sein de laquelle la responsabilité de la performance est partagée par l’ensemble de ses membres (fiche n°11). La performance du tout est différente de la somme des performances des parties. La performance collective n’étant pas individualisable, seule l’équipe peut être responsable de sa propre performance. Dans ce cas de figure, il est contreproductif, voire nuisible, de reconnaître la performance par des modes de rétribution individuelle. Un bonus d’équipe sera bien plus adapté que des bonus individuels même si les membres du groupe peuvent décider de se distribuer l’enveloppe de manière individualisée.
Une organisation est plutôt collective quand la performance du tout est différente de la somme de celle des parties, mais que des entités de même niveau organisationnel y contribuent de manière clairement différenciée. Souvent, certaines entités sont en charge de l’efficacité alors que d’autres portent l’efficience (fiche N°11). La performance ne se réduit ni à l’efficacité ni à l’efficience mais les deux facettes de la performance sont portées par des parties différentes du même tout.
Avantages et inconvénients de la responsabilité individuelle
L’organisation individuelle fait de la responsabilisation individuelle le moteur de la performance. Elle tire le meilleur parti de l’expertise et de la créativité individuelle et permet de valoriser les efforts et de favoriser la reconnaissance des résultats obtenus par chacun. Cette reconnaissance de la singularité favorise l’optimisation des potentiels. L’organisation individuelle recherche l’équité – des rétributions à la hauteur des contributions – là où l’organisation collective promeut plutôt l’égalité – les mêmes rétributions quelles que soient les contributions.
L’organisation individuelle est également très propice au développement d’une émulation compétitive en son sein. Les énergies s’en trouvent décuplées. Mais la compétition peut tourner à la confrontation contre-productive. Se développe alors une forme d’individualisme, une absence de solidarité et d’entre-aide : c’est le règne du chacun pour soi. L’absence d’identification collective interdit le développement de synergies et d’intelligence collective. L’organisation est alors incapable de relever les défis et les challenges collectifs.
Enfin, quand le tout est différent de la somme des parties mais que seule la performance individuelle est valorisée, chacun peut très bien avoir obtenu d’excellents résultats sans que la performance globale ne soit au rendez-vous. On est individuellement performant et collectivement déficient.
Avantages et inconvénients de la responsabilité collective
Dans une organisation collective, la responsabilité de la performance est portée par tous les membres de l’équipe. On tire alors pleinement parti des synergies organisationnelles et, plus encore, de l’intelligence collective.
L’organisation collective permet de satisfaire les besoins sociaux des membres de l’équipe. Cela se traduit par un véritable sentiment d’appartenance et une identification au groupe. Le « Nous » devient plus fort que les « Je ». Au-delà de la solidarité et de l’entre-aide, l’égalité de traitement conjuguée au partage des responsabilités favorisent l’émergence d’une véritable émulation collective.
Cependant, quand le collectif prend trop le pas sur l’individuel, le manque de reconnaissance des différences interindividuelles génère une iniquité et une injustice qui, ensemble, produisent de la démotivation. Les meilleurs quittent le navire. Des formes de « paresse sociale » (fiche N°11) s’installent structurellement et durablement au sein de l’organisation. On peut alors noter l’apparition de passagers clandestins.
La motivation n’est pas le seul facteur de performance à être impacté. On observe en général aussi une perte d’expertises individuelles, un nivellement par le bas et, en conséquence, une sous-optimisation du potentiel de chacun. S’installe alors un véritable cercle vicieux : l’absence de reconnaissance des mérites individuels produit un désengagement qui dégrade la performance ; la baisse substantielle de la performance diminue le montant des rétributions ; le faible montant à distribuer n’incite pas à faire des différences interindividuelles trop fortes ; etc.