Repenser son organisation®

Fiche N°27

L’organisation cellulaire

Dans le modèle cellulaire, l’autorité est répartie entre l’ensemble des entités qui composent l’organisation.

Les équipes semi-autonomes comme point de départ

A l’origine, le modèle cellulaire a été observé dans l’organisation des équipes dites « semi-autonomes » nées dans les mines de charbon anglaises et modélisées par des chercheurs du Tavistock Institute de Londres. Les équipes « semi-autonomes » ont par la suite rencontré un vif succès en Europe du Nord, en Suède en particulier. Si leur développement a été plus lent en France, on les trouve néanmoins, dès les années 1980, dans le secteur de la chimie et dans l’industrie agro-alimentaire, chez Danone notamment.

Après un net déclin, le modèle cellulaire a connu un regain d’intérêt dans les années 1990 aux Etats-Unis avec le courant dit de la Team-based Organization. Aujourd’hui, il connaît un nouvel essor dans les entreprises digitales en quête d’agilité. Il est, par exemple, au cœur de la méthode Scrum ou encore de l’Holacratie, approches très en vogue dans les start-ups.

Le profil de l’organisation cellulaire

Il y a deux grandes variantes de l’organisation cellulaire. Le profil organisationnel de la première est le suivant : « Locale », « Divisionnelle », « Horizontale », « Collective » et « Informelle ». Celui de la seconde est identique à l’exception de la régulation des comportements qui est « Plutôt informelle » quand on cherche à étendre le modèle au-delà d’une seule ou d’une poignée d’équipes, comme c’est l’ambition des approches qui visent à déployer l’agilité à grande échelle au sein des entreprises de taille conséquente.

Détaillons le profil de l’organisation cellulaire à partir de l’examen des cinq paramètres de conception (fiche N°4).

Du management sans managers

Dans ce modèle organisationnel, l’autorité est répartie entre l’ensemble des membres de l’organisation qui assument collectivement la responsabilité de la performance. L’autorité est distribuée selon le principe de la subsidiarité plutôt que celui de la délégation. Le pouvoir de décision est décentralisé. Le modèle cellulaire se pose ainsi comme l’opposé des modèles personnalisé et bureaucratique qui, eux, sont centralisés.

La fonction de management est partagée sans qu’il y ait à proprement parler de managers, sauf si les membres de l’organisation en décident autrement. Ils peuvent par exemple, pour des raisons d’efficacité et/ou d’efficience, affecter à l’un d’eux un rôle managérial plus ou moins éphémère. Mais la personne qui se trouve alors en situation de management est au service des autres membres de l’organisation et non l’inverse comme dans l’organisation personnalisée ou pyramidale.

Le cercle comme structure

La structure forme un cercle composé de compétences autonomes non hiérarchisées entre elles. Elles interagissent par des ajustements mutuels coopératifs. La coordination résulte d’une régulation autonome par opposition à la régulation de contrôle présente dans les quatre autres types d’organisation et, en particulier, dans les deux premiers (les modèles personnalisé et bureaucratique).

Une organisation centrée sur un processus ou sous-processus

L’organisation cellulaire est centrée sur un résultat non ambigu, c’est-à-dire identifiable et, surtout, mesurable. C’est bien parce que le résultat à atteindre et les indicateurs pour le mesurer ne prêtent pas à discussion qu’ils peuvent être portés collectivement. Ainsi, le mode de regroupement des activités du modèle cellulaire est divisionnel. C’est la raison pour laquelle l’organisation cellulaire est centrée sur un processus ou un sous-processus au périmètre circonscrit et aux résultats tangibles. On comprend alors pourquoi ce modèle est propice à l’organisation des équipes de développement informatique dont les projets sont aisément découpés en sous-projets, lesquels sont à leur tour segmentés en sous-sous-projets, et ainsi de suite jusqu’à aboutir à un périmètre d’action suffisamment restreint pour pouvoir être pris en charge par une équipe de taille réduite.

L’organisation cellulaire est structurée selon un réseau maillé au sein duquel existent plusieurs chemins de communication et de coopération possibles entre les activités de base. Cette redondance, pas très efficiente, est d’une redoutable efficacité dans des univers complexes caractérisés au premier chef par l’incertitude et la turbulence. Elle permet notamment des « dépassements de fonction », synonymes de flexibilité, et des réagencements rapides, gages d’adaptabilité de l’organisation.

Au sein d’une organisation cellulaire, l’essentiel des activités et des étapes des processus de décision sont logées dans des équipes horizontales souvent multidimensionnelles (par produits, marchés et/ou régions géographiques). La dimension verticale de l’organisation, quand elle existe, n’est là que pour fournir des compétences et des services que les équipes ne peuvent acquérir ou développer seules.

De véritables équipes

L’organisation cellulaire, contrairement aux autres modèles, est constituée de véritables équipes dans la mesure où la responsabilité de la performance y est collective. Dans les organisations personnalisées et bureaucratiques, la responsabilité de la performance est individuelle. Elle est uniquement portée par le leader, le chef ou le staff. Dans le modèle pyramidal, elle est cascadée, et elle est partagée entre les deux versants de la matrice dans le modèle dual. Si on définit une équipe comme un groupe d’individus qui, ensemble, fabriquent un produit ou fournissent un service dont ils sont mutuellement responsables alors seule l’organisation cellulaire fait exister des équipes au sens propre du terme. La performance n’est plus incarnée par une ou deux personnes mais bien par un collectif.

Le fait que la responsabilité de la performance soit collective favorise la coopération au sein de l’équipe. Tout le monde a intérêt à ce que les résultats soient bons, pas seulement le leader de l’organisation personnalisée ou le manager de l’organisation pyramidale. Les risques de déresponsabilisation, voire d’apparition de « passagers clandestins », s’amenuisent. Il n’y a pas d’un côté le leader ou le manager dans une logique de résultats, et, de l’autre, ses collaborateurs dans une logique de moyens. Tout le monde se trouve logé à la même enseigne. Quand l’un des membres de l’équipe ne joue pas le jeu, il est en général rappelé à l’ordre par ses coéquipiers, surtout si la performance est sanctionnée par un bonus collectif. Au sein d’une équipe, la régulation s’effectue moins par le père que par les pairs, ce qui est le propre de la régulation autonome.

Un groupe de jazz

L’organisation cellulaire est très largement informelle. Les compétences individuelles y sont combinées et recombinées par l’intermédiaire de réseaux informels enchevêtrés dont le maillage est particulièrement dense grâce à la redondance des voies de communication et de coopération. Cependant, quand on cherche à la déployer à grande échelle, un minimum de formalisation s’impose. Dans l’Holacratie, par exemple, la raison d’être est formalisée, tout comme la constitution qui précise les règles de fonctionnement, ainsi que les rôles et les redevabilités.

En matière de management, la métaphore de l’homme-orchestre permet de qualifier le modèle personnalisé, le chef d’orchestre le modèle pyramidal, le coach d’une équipe de football le modèle dual. Le groupe de jazz est l’image la plus judicieuse pour caractériser le modèle cellulaire.